Tuesday, 26 August 2014

Manni: l’agriculture familiale menacée par la rareté des terres

 A Manni, commune rurale dans la Gnagna, les terres deviennent rares et chères. Face à la ruée vers les parcelles à usage d'habitation ou commerciale, véritable nouveau business, les terres cultivables se réduisent comme une peau de chagrin.

Mardi 26 Aout. Ce matin, je dois à prendre le car pour retourner à Ouagadougou, après un séjour de deux jours dans mon village natal, Manni. Une amie me conduit à la gare. Elle doit continuer à Bogandé, chef-lieu de la province, pour une audience au palais de la justice. Elle a été convoquée pour le délibéré dans une affaire de terre qui oppose sa famille à une autre famille. Une affaire assez traditionnelle dans laquelle un autochtone prête ou donne (c'est selon les versions des parties au litige) une portion de terre à un "étranger". Des années après, et cette fois parce que la terre a acquis une valeur autre qu'agricole, la justice s'en mêle.

Des affaires de ce genre, le palais de justice de Bogandé en connait assez. Et ce, depuis, que la terre a subitement pris une valeur inestimable, monnayable. Ce que cache une telle évolution étonnante, c’est une menace pour l’agriculture familiale, la seule que connait cette localité depuis des siècles et qui pourrait disparaitre.

Les habitudes ont changé depuis le dernier lotissement intervenu en 2006. Ce fut le début de la rareté des terres dans ce département. Dans ma propre famille, nous disposions de terres autour de nous que mon père, avec l'accord du chef de terre, distribuait aux étrangers qui venaient s’installer. Une portion pour usage d’habitation et une pour cultiver. C’était un peu pareil pour tous les autochtones qui disposaient de vastes terres pour l’agriculture familiale.

A Manni, l’agriculture familiale a un visage féminin

Aujourd’hui, les seules terres sur lesquelles ma famille peut cultiver, se limitent aux parcelles non encore mises en valeurs par leurs propriétaires. Peut-être le prix à payer pour qu’un village se développe. Sauf qu’à Manni, même les terres situées dans les zones non encore loties, font l’objet d’une véritable ruée vers l’or. Les quelques paysans qui tiennent toujours à vivre de l'agriculture n'ont pas autre choix que de "s'exiler" et de partir  loin de la ville en devenir qu'est Manni.

Les champs, en cette saisons pluvieuses se sont considérablement réduites, par rapport à leur étendue d’il y a 5 ans. Il y a fort à parier que l’année prochaine des familles perdent encore les seules terres sur lesquelles elles cultivaient et abandonnent cette activité. Déjà, les agriculteurs se comptent depuis peu du bout des doigts, l’orpaillage étant la principale activité qui occupe la jeunesse.

Seule encore les femmes essaient de tirer leur revenu de l’agriculture. Dans cette partie du Burkina comme ailleurs, l'agriculture a incontestablement un visage féminin. Et pour elles, il faut prendre au sérieux cette guerre de terres et sauver l’agriculture familiale.