Wednesday, 3 September 2014

Les fermes Songhaï au Bénin: une preuve par l’exemple que l’Afrique peut nourrir les Africains*

 Ce jeudi matin, 17 juillet 2014 sous une pluie qui tombe incessante, nous arrivons à Porto Novo. Au bord de l’eau, le gigantesque chantier de l’Assemblée nationale abandonné, suscite nos commentaires. Mais la capitale oubliée du Bénin abrite aussi un "site touristique" qui nous intéresse : un des 6 centres Songhaï consacré à l'agriculture bio. Vaste de 18 hectares, la ferme Songhaï de Porto Novo, que nous avions hâte de visiter, a tout d’un centre qui force l’admiration des touristes, un groupe de visiteurs croisant l’autre dans les allées de la ferme.

Au début de la visite de la ferme, sur un panneau central, une peinture indique le type d’agriculture pratiquée : une agriculture bio avec comme particularité, le système intégré.

Un panneau résumant les composantes du système intégré songhaï / Crédit photo: Pauline Roy
Un panneau résumant les composantes du système intégré songhaï / Crédit photo: Pauline Roy

Songhaï, du nom de l'ancien empire. Ici c'est un type d'agriculture qu'on a réussi à imposer qui fait ses preuves. C'est un empire agricole, avec ses différents sous-secteurs d’activités. De la production à la commercialisation en passant par la transformation, différentes unités dépendent ici l'une de l'autre. Ou plus exactement, chaque unité est utile à l'autre pour faire un cycle de production. L’essence même d’un système agricole biologique qui se fonde sur le recyclage et la valorisation des déchets. « Le système intégré permet de tirer un profit économique de ce qui paraît des déchets inutiles » a résumé notre ami Carlos, un employé du centre.

Notre guide, malgré la fatigue, maîtrise son schéma. Le temps que la pluie, qui par moment surprend et verse de grosses gouttes d’eau, permette de continuer la visite, nous discutons, curieux devant des fours traditionnels qui servent à la pasteurisation des produits de la ferme. A côté, dans un four dont nous avons quelques minutes pour voir l’intérieur, quelques poulets accrochés. Mon amie se laisse tentée à faire des images, malgré l’insistance de notre guide qui doit refermer le four.

Plus loin, beaucoup de jeunes sortent d’une salle de restauration, où est servi un petit déjeuner. Des élèves en formation, nous explique notre guide. La formation est en effet l’une des activités majeures du centre et fait de Songhai une ferme-école. Chaque année, des centaines de jeunes viennent de divers pays se former aux métiers de l’agriculture, dans les filières végétale, animale et pisciculture.

Une forme moderne d'agriculture qui devrait inspirer

L’élevage, la pisciculture, la production de fruits, la culture de champignon, la fabrication du compost, production de l’énergie électrique au moyen du biogaz, autant d’activités qui font la chaîne et qui font l’objet d’une transmission de savoir.

Les arbres fruitiers et espaces de maraichage/ Crédit photo: Pauline Roy
Les arbres fruitiers et espaces de maraichage/ Crédit photo: Pauline Roy

Avec son système intégré, Songhaï est une ferme qui sert de modèle. Parti d’un hectare de terre octroyé par le Gouvernement béninois, la ferme Songhaï de Porto Novo a répandu son modèle sur d’autres localités au Bénin. Le système intégré de production est répliqué déjà dans des pays voisins comme le Nigeria et le Togo.

 

L'histoire du centre Songhaï est celle d'un dominicain d’origine africaine, le Frère Godfrey Nzamujo, qui fonde en 1985 l’ONG Songhai avec un groupe d’amis pour redonner une dignité à l’Afrique en privilégiant l’agriculture durable. Avec ses fermes comme terrain de pratique, SONGHAI est surtout un Centre de formation, de production, mais aussi de recherche en vue de développer une agriculture durable.

Presque trente ans après sa création, il est peut être temps que les gouvernements africains s’inspirent de ce modèle d’agriculture. Voilà à quoi devraient aussi servir nos terres qui échappent, hectare par hectare, aux populations locales pour devenir la propriété de grands exploitants, ou pour servir de terrains d’expérimentation pour des cultures OGM à l’issue incertaines. A une époque où l’Afrique est fragilisée pas l’insécurité alimentaire il n’y a pas mieux que des initiatives comme les fermes Songhai pour convaincre que agriculture bio va sauver l’Afrique. Il faut y croire et s’y mettre et désormais, l’Afrique pourra relever la tête comme l’affiche en slogan le centre Songhai.

*Ce billet est publié en hommage à Florie Esther PINGOUD qui, une semaine après que nous avons, avec Jean Willemin et Pauline Roy, visité ce centre, a rejoint les étoiles suite au crash de l’avion qui la ramenait en Suisse !